23 janvier 2006

Plaisir télévisuel



Depuis la fin des péripéties torturées de Spike, je n’avais plus grand-chose à me mettre sous la dent en matière de séries TV. Il y a bien eu l’excellentissime Oz dont je n’ai vu que la première saison, puis, Nip/Tuck, mais les ressorts psychologiques des couples libérés de Miami et leurs rebondissements familiaux me laissent assez froide, il n’y a de vraiment bien que les étranges ballets chirurgicaux.
Lost dernièrement m’a pas mal plu, mais je n’accroche pas du tout au personnage principal incarné par un bellâtre d’une platitude exaspérante élevé au bon grain, qui sait tout faire, les dents blanches, les épaules larges.

Kingdom Hospital, voilà la série made in Stephen King et Lars von Trier qui me fait triper.
Après le très beau générique gothique on tombe dans une sorte de galerie David Lynchienne, assagie, à l’écriture démélée, mâtinée d’ « Urgence » sous LSD.

Des patients trépanés se réveillent, des fantômes coincés dans les ascenseurs se disputent les mourants, une grosse bestiole poilue du genre fourmilier géant joue le passeur du Styx.
Mon personnage préféré est une sorte de Mulder sans ovni qui tient scrupuleusement à jour un amusant listing : il remplit de terre des moules à cake en aluminium pour faire des petites tombes dans lesquelles il fiche des croix plus ou moins grandes. Sur chaque croix sont inscrits les erreurs chirurgicales et autres dérapages médicaux. Un adorable cimetière qui garde au chaud les défaillances humaines, un hobby comme un autre, quoi !

Que dire des autres personnages ? caricaturaux ? Voilà, pas de demi-mesure dans l’étalage. Nous croisons un fils du directeur planqué à un poste de testeur du laboratoire du sommeil ; un jeune couple de trisomiques mi ange-mi démon préposé à la plonge qui connaît toutes les histoires du personnel médical ; une vieille dame sympa, fausse malade mais vraie medium qui poursuit un pendule en cristal ; un artiste-peintre dans le coltar, bouc émissaire de son voisin de lit, un pyromane déjanté manipulé par un ange de la douleur.

Ce n’est pas tant glauque que bourré d’humour noir et le scénario se tient, que demander de plus ?

21 janvier 2006

Dead Man

(Cliquez juste au dessus)

Un film de Jim Jarmusch

Etats-Unis, 1995
Scénario : Jim Jarmusch
Casting : Johnny Depp, Gary Farmer, John Hurt, Robert Mitchum, Gabriel Byrne, Lance Henriksen, Michael Wincott, Iggy Pop, Billy Bob Thorton
Photo : Robby Müller
Musique : Neil Young
Durée : 2h14

William Bill Blake est comme Alice, fragile et maladroit, balloté dans un monde absurde. Il va devoir choisir son camp, de l’autre côté du miroir.

C'est un film sur ce qui est enfoui. La musique de Neil Young creuse encore plus profond, et lorsqu'elle remonte, la mer s'est retirée, le vent s'est calmé. 14 minutes et des brouettes pour se poser.

  • BO


    • 18 janvier 2006

      Pierre Super-Soulages

      Pierre Soulages est le peintre du noir et de la lumière. D’accord, très bien, mais il est bien plus que peintre, il est une sorte de maçon, un super-maçon de type super-plombier avec petite moustache qui vient sauver le monde.
      Il serait ce genre de maçon qui non seulement manie la truelle, mais qui fabrique le mortier, la brique et ses outils. Ce mec fabrique plutôt qu’il ne crée.
      Il va assembler la brique, il va la lier aux autres, il va monter un mur et semer des accidents. Disons plutôt une paroi, ça donne plus de souffle aux idées « la paroi ». Le mur étrique et enferme. Avec ma paroi bosselée je grimpe, je pense à une échappée verticale, le corps vissé au granit, et puis aussi il y a Lascaux, Altamira, Ayers Rock. Super Pierrot est maître du temps, de l’espace et de l’histoire humaine. Je pense également à une paroi abdominale, stomacale. Super Soulages maintient droit, plante, sépare le dedans du dehors. Il construit ce qui existe déjà, de l’organique, du minéral, des grottes à mammouths, des grottes platoniciennes, des voyages sous la terre. Il retrouve.

      Le super-maçon de l’univers joue de la truelle atomique, fouillant dans le quark, cimentant les noyaux.
      Il ne tente pas de capturer la nature, il parle de la nature sans donner à la voir autrement, sans sensiblerie colorée, sans artifice symboliste, il libère la touche de la couleur, du trait, de l’idée même du contour, de l’enveloppe, et nous obliger à lire la nuance ailleurs que dans des formes picturales ou dans la palette chromatique.

      Il travaille sur l’infiniment petit (le pigment) pour le relier à l’infiniment grand (la peinture). C’est au cœur de la matière qu’il plonge son cerveau, il va donc chercher sur sa toile à rendre des zones interactives. Il va jouer avec la propriété des pigments de peinture, en créant des ruptures, des stries, qui donneront des bandes de noirs mats ou brillants.
      Il maçonne un Photonland, un parc de loisir pour photons en goguette. Ici des tunnels fantômes pour capturer la lumière, là un toboggan sur des bosses de chameaux qui brille comme un lac des signes.
      Et ce sont nos reflets qu’on décrypte, notre veste rouge ou bien le soleil de midi.

      Cette réflexion sur le grain il ne l’a pas menée uniquement sur le pigment de peinture mais aussi sur le verre. Il faut voir ses vitraux gris plus ou moins opaques réalisés pour l’abbaye de Conques. Même regard sur le rendu atmosphérique, sur la volonté de jouer avec les heures, différentes techniques cependant dans l’application, avec tout ce que cela sous-entend de mises au point, de doigts dans la pâte, de sueur sous les yeux, les idées à manches retroussées immergées dans le minuscule. Soulages est un artisan-physicien-opticien qui travaille, qui cherche et appréhende la matière comme aux premiers jours de l’humanité.

      Vitraux Abbaye de Conques http://www.ac-amiens.fr/pedagogie/arts_plastiques/capes04/soulages1.jpg

      Evidemment regarder une reproduction de ses peintures ou ses vitraux entraîne une certaine frustration. Rien ne se dit sur les passages du mat au brillant, rien n’est évoqué au sujet des reflets du dehors subtilement noyés au noir, rien ne se joue à 7 heures du mat’ ou à minuit. Et pourtant !
      Monnet avait besoin de dix toiles pour évoquer la cathédrale de Rouen au différentes heures du jour, Soulages n’en a besoin que d’une et d’un peu de temps qui passe.
      Des mammouths sur la paroi on retrouve les mouvements des ombres qui dansent au dessus des torches préhistoriques. Déjà l’interaction, le ciné des cavernes nous apprend que nous avons toujours besoin du noir pour plonger dans le spectacle et de lumière pour éclairer la scène. Nos lumières d’aujourd’hui sont les néons, les spots des musées, les baies vitrées de Beaubourg.


      Pour tout comprendre, c’est clair, c’est parfait :
      Extrait d’une conversation de Pierre Soulages et Michaël Peppiatt.

      « (…) c'est la matière, la texture –les à-plats, reliefs, stries- qui modifient la valeur de ce noir unique. Le spectateur se déplaçant devant cette peinture voit le tableau se faire avec la lumière, se transformer, se construire devant ses yeux. »

      Tout l’entretien : http://www.pierre-soulages.com/pages/psecrits/peppiattFR.html#top

      14 janvier 2006

      Mises à jour

      J'enlève Soulages.com et je remplace par trois blogs.
      Ca n'a rien à voir avec Pierrot, nous ne sommes pas en froid, je trouve juste que ce site officiel est totalement mal foutu, complètement glaçant, bref j'aime p'us. Faudrait que je parle de Soulages, un jour, pour rire. Mais en toute décontraction hein, s'agirait pas de se prendre la tête, ha !

      13 janvier 2006

      L'heure du compte

      Après un ultime bidouillage je garde cette nuit-la, la plus artificielle.


      Je viens voler aux minutes quelques ressacs d’idées, le front un peu trop lourd comme une forêt qui s’écroule sous ses années. Poser des abîmes de pacotilles pour demain, jeter un pont entre mes envies de plomb et mes réalités de plumes. Ou le contraire. Que sais-je encore, établir une liste à croix dressées, pointer du doigt deux ou trois fulgurances sous un porche à la lumière stridente, de l’autre côté, ce qui s’est franchit, et moi là, en équilibre sur ce qui reste derrière, avec des bribes de culpabilités hypertrophiées, l’hésitation qui valse et une humeur à se fondre dans le givre, une bouffée délirante d’héroïsme, le nez reniflant son cerveau. Il n’y a plus qu’à… il n’y a plus qu’à serrer les poings dans ces poches à remplir. Enfin, dans cet avenir proche, je choisirai sûrement de m’écrouler de sommeil, un mi-sourire enorgueilli par tant de liberté.

      Cette fois c'est la bonne

      Voici, voilà un dernier extrait !

      Après plusieurs écoutes dans tous les sens, je veux dire, dans tous les sens possibles et inimaginables que me propose mon vieux canapé que je vénère pour ses bons et loyaux sévices lombaires et surtout pour toutes les choses qu’il ne répétera jamais – après de nombreuses écoutes donc, mon verdict est sans appel : à écouter, assis dans des bourrelets de cuir informes et trois verres de Bloody Mary. Passée la première minute on se dit, que c’est décidément inécoutable, mais on adore ça, un peu de torture qui se cogne contre les murs de la raison, hein, ça va bien finir par s’arrêter.
      En vrai, il est moins bon que Sacrifist, beaucoup moins tripant, toujours en retenu, mais ce sont peut-être les trois verres de bloody qui collent un peu, la preuve : on est toujours au fond du canapé, légérement digéré par cet ami témoin des pires débordements.



    • Warcraft– Praxis, album « Metatron»

      • 09 janvier 2006

        Mets ta tron sur la platine

        Bon alors un mot sur l'album.
        La pochette c'est encore James Koehnline. Et on applaudit des deux bras ! C'est kitsch, c'est nineties (morceaux et artwork copyrightés 1995). Elle me fait penser à certaines pochettes de Funkadelic mais côté son, cet album est le moins funk de la trilogie, je précise, les deux autres étant Sacrifist et Transmutation. Côté formation, ce sont Bill Laswell (Basse), Buckethead (Guitare) et Brain (batterie) qui s'y collent. Minimaliste donc, moins de lancers de nains (dommage), et plus de guitare acoustique, ça c'est même carrément nouveau. Il reste du gros son lourd entre deux pétages de silicium. Et puis ça titille mon neurone à sérotonine. A creuser.

        Jour de fête


        Tiens aujourd’hui c’est aujourd’hui, éjectons quelques mots sur ces pages naturistes. Moi et moi sommes heureuses, et je le fête en grande pompe pyrotechnique. En ronds d’oignons, avancez petites lettres déchues les yeux béants comme deux rangs de flancs, les côtes saillantes, consonnes en tête étalant leur anorexie. Plongez dans la machine au moins vous remplirez quelques blancs neurasthéniques par des souvenirs étincelants piqués à la ville, piqués à des nuits d’escapades, le long des quais et des plages sonores. Sautez !

        02 janvier 2006

        En fait j’achète pas donc je suis pas… client

        Les resquilleurs.

        Certains, me font bien marrer. Il y a ceux qui recopient sur un bout de table les règles du jeu et les grandes lignes du plateau. Alors je ne sais pas pourquoi, peut-être est-ce la foudre divine qui s’abat sur ces malchanceux, mais ils ont toujours un stylo qui déconne, ils finissent par s’énerver, avoir l’air stressé, on voit bien qu’ils ont un problème. Souvent je leur propose un crayon de dépannage. En général ça achève leur stress, ils deviennent liquides et s’enfuient. Mais non revenez, z’avez pas fini !

        Les organisés, plus rares, mais corsés. A ceux-là, j’offre le bénéfice du doute dans un premier temps. Parce qu’ils manoeuvrent habilement. D’abord une jeune fille arrive avec un joli sourire fleuri mais un peu penaud, elle a perdu trois cartes du jeu acheté au dernier festival des jeux, et depuis elle se désespère. La demoiselle repart donc avec ces trois cartes, il serait dommage de faire se désespérer plus longtemps une si charmante personne. Le lendemain c’est un petit garçon qui s’est fait bouffer les cartes par sa grand-mère, ou un poisson rouge, je ne sais plus. Evidemment ce sont les trois autres cartes, et comme dans le jeu il y a 6 cartes identiques par joueur, le compte est bon si l’on fait chauffer la photocopieuse ! Bon il n’y a plus qu’à attendre et voir combien de pions ils ont perdus, écouter quel accident est arrivé à leur plateau de jeu. Ils ont du mérite, je trouve, je suis toute époustouflée, on a des jeux avec moins de matériel.

        Les squatteurs expansifs.

        Alors ceux-là sont les plus décontractés, je siffle d’admiration, je les envie même.
        Je les remercie pour l’animation qu’ils apportent sur le stand, ils arrivent nombreux et foutent un boxon communicatif, ils s’amusent véritablement, veulent connaître toutes les finesses de chaque jeu, lorsque le jeu demande un poil de stratégie, ou bien s’éclatent comme des gosses sur les jeux d’ambiance. Ca fait plaisir à voir, ils restent jamais moins de deux heures, s’exclament par tous les bouts, nous prennent à témoin dans leur réussite, sortent les sandwich, les bouteilles, bref passent du bon temps, se disputent haut et fort le jeu qu’ils veulent acheter, hésitent, argumentent, veulent bientôt toutes les références, puis finissent par partir en nous disant qu’ils vont réfléchir… en général sur un autre stand sur lequel ils restent trois minutes - jeu du concurrent pesé emballé payé.
        Il y a un truc qu’on n’a pas su faire, c’est clair.

        Lorsque la journée s’achève, et que nuit déploie enfin ses ailes sur notre activité off, celle secrète qui offre un air magique au jour d’après, lorsque tels des lutins bienveillants qui redonnent un lustre sans égal à nos boîtes merveilleuse, qui actionnant dans l’obscurité le balai pour virer les mégots, qui soufflant sur les miettes, qui changeant les dés tout collants, nous nous asseyons un instant pour faire un court bilan : il n’y a pas que la vente qui compte, non non, il y a aussi la VISIBILITE, oui oui.

        Et puis c’est l’occasion de lancer des paris sur de nouveaux profils, de voir quel consommateur (potentiel) alpha on n’a pas encore croisé, et aussi, parce que faut pas se leurrer c’est vachement marrant, on se demande à quelle(s) catégorie(s) on appartient quand on change de casquette. Haaaahhhhhahahaha, alors là vaut mieux éviter de nous rencontrer sur votre stand ou dans votre magasin, messieurs dames créateurs, fabricants et autres vendeurs ou revendeurs. Mouuhhouuhaaaahhhhahahaha. On est pires, on connaît toutes les ficelles !