10 octobre 2015

Egrégore1

Dessin de Fredo. http://byfredo.deviantart.com/


J’ai jeté un jour mon dévolu sur trois plumes, il y en a des millions d’autres c’est vrai, et c’est donc un peu fou. C’était il y a des milliard d’années, je m’en souviens, c’était un samedi. La température extérieure paraissait parfaite pour envelopper mon cerveau et le reste de mon corps dans une gelée tiède de matrice sereine. Pixel après pixel mes yeux s’ouvraient. Il y a des rencontres qui se font mais celles-ci n’eurent pas lieu.

Il y eut donc un poisson qui tournait inlassablement dans l’eau tumultueuse de l’Internet, vif, brillant, l’appétit aiguisé, avalant ce que la lucarne offrait de meilleure. Il lui a offert une fantastique ode. Il s’est aventuré dans les contrées sombres aussi, se cherchant des mots toujours plus nus, tel un sorcier du verbe toujours réinventé.
S’est-il perdu ? Sans doute comme nous tous. Comme tous les gens ultra sensibles et voyants.

Le monde a créé l’ultra monde qui permet de livrer ses pensées intimes au monde dans un feedback vertigineux. Et nos ADN se recombinent sans cesse dans ce flux permanent de signaux.
Est-ce que le poisson voulait être pêché ?

Qu’est-ce que je cherche, qu’est-ce que j’y trouve à part toujours une part de moi-même ailleurs chez les autres?

Nous voulons remplir l’espace, nous voulons créer l’espace. Nos univers de boues, de mousses et de bitumes n’étant plus assez grands. Cécile modelait la terre comme une excroissance à ses mots. Elle y déposait ses prières païennes. Elle voulait faire vivre des golems qui auraient combattu pour elle. Elle se forgeait une carapace avec des armes déposées devant sa porte.
Je veux vivre les fenêtres ouvertes, les ponts levis baissés et c’est précisément ce que le virtuel me donne l’impression de pouvoir faire.

Ma nudité comme une offrande à ceux à qui je veux plaire, ou même au monde sans restriction, sans les risques ou les contraintes, pourvu que l’on m’aime là où je ne suis pas.
Parce que le virtuel n’est qu’un jeu de déplacement. Déplacement du réel par définition, mais aussi parce que les mots posés sont réfléchis, les images choisies, l’instant maîtrisé.

Je pensais y être ce que je voulais, mais j’ai fini par me rendre compte que je ne suis que ce que je peux. Face à mes limites, là inscrites sur une page perdue dans le temps, lancée au passé.

Certes je peux appuyer sur le bouton pour disparaître…

Mais avant d’en terminer il y a la Tyrane qui danse à la tombée de la nuit. Une déesse protéiforme, tantôt enfant solaire, tantôt sorcière lunaire qui pourrait à elle seule nous faire regretter que tout s’arrête.
Elle m’a demandé ma main un jour. Pour que j’écrive avec elle la suite d’une histoire magique en 88 nuits… Si j’avais eu un contrat je l’aurais bien mal honoré. Parce que je suis une sale gosse. Parce que je suis une sale gosse.

Alors moi et mes autres mois, continuons à jouer encore un peu, prenons, donnons.

J’en parle au passé, ils sont pourtant toujours là, je les regarde bien rangés à droite de ma page Facebook leur lumière verte apaisante comme un phare au milieu des autres amis et aimés, appréciés, les anciens, les nouveaux, ceux de chairs, la famille.