La vie c’est comme les voitures, elle passe… elle change ses modèles.
C’est donc ce que nous fîmes ces deux derniers jours. J’étais bien pliée en quatre entre la boussole et la chemise. Pas de cravate, non, nous ne visitons pas nos amis clients en cravate ; dans notre monde ça fait trop représentant belge la cravate, surtout accompagnée de la grosse mallette à roulettes et du bidon naissant à cause de cette foutue cigarette qu’on a arrêtée. Et c’est dans une tenue chic mais néanmoins décontractée que nous avons lancé l’assaut à la Bretagne voisine.
Parmi les règles du couple greffé, il y a celle-ci : « tu feras tout ce que fait l’autre, parce que sinon c’est pas juste ». Heureusement toute règle est aménageable mais alors il ne faut surtout pas oublier de toujours négocier le qui-fait-quoi surtout surtout avant de monter dans LE nouveau pousse-croupion pour vieux (terrrrrrible, nous avons troqué la Twingo contre une Scénic, bien plus moche, bien plus confortable, bien plus familiale. J’aurai ainsi tout le loisir de pondre un ou deux poussins à l’arrière – il faut penser à tout- ce sont mes parents qui le disent, tout à fait rassurés sur notre choix de voiture), sous peine de se retrouver à prospecter dans les rues de Rennes les poches remplies de catalogues et de cartes de visites. Pas très agréable quand on pensait rester à la place du co-pilote, et occuper les fonctions de DJ préparateur de commande (le stock est dans le coffre) responsable des bouteilles d’eau, écrivaillon rêveur du temps à perdre, une oreille à peine tendue sur Praxis, un œil recroquevillé sur son petit cahier et surveillant les distributeurs de papillons de l’autre.
Mais j’avais bien négocié, je suis restée sagement assise protégeant la voiture et son contenu, la déplaçant quand il le fallait, la rapprochant amoureusement de mon meilleur vendeur du mois.
Après, c’est après, le travail étant terminé : direction Vannes puis Carnac. Nous avions envie de mer et de pierres.
Vannes est la ville de nos vacances d’enfants celle des glaces et des crêpes sur le port, la ville refuge lorsqu’il pleuvait sur l’île. Nous étions chaque été les prisonniers consentants d’une île jetée à 50 m du continent. Une crotte de terre de rochers et de pins dont il suffisait pour y échapper, de nager un peu de prendre la barque ou d’attendre que la mer se retire. Souvent nous n’attendions pas assez et nous mouillions le bas du pantalon ou le bas des pneus de la R16 rouge intérieur skaï noir. Mes parents ont eu du cuir mais beaucoup plus tard avec leurs R20 quand ils sont devenus notables de province.
Alors quand je retourne à Vannes à bord de ma propre Titine je me sens aussi affranchie qu’un zeste accablée.