26 novembre 2015

Egrégore2

Animal transcendantal je suis.
Alors plus fort je bouffe du décibel, plus profond je baise, plus rempli je bois. Je me fonds dans mes égaux, et parce que j'ai la chance de vivre une ville enjolivée d'histoires anciennes, je me répands sur les terrasses proprettes, à rire et à chanter la vie pour l'oublier ou la refaire. Je me fonds dans mes congénères, choisis, recrutés selon affinité et les clique sur "Partager" pour oublier la vie ou la refaire. Et parce que j'ai la chance de pouvoir payer mon clic je peux me permettre de maudire cette vie qui nous offre ces clics, son toc et ces claques.

Cette vie qui nous attache aux autres transcendés et bourgeonnants, comme moi, d'excroissances extra-naturelles, a l'insolence d'exister aussi dans l'isolement des bois, dans le silence et la paix. Nous nous y abreuvons à l'occasion, voire nous nous y shootons, trouvons là encore une autre forme de transcendance.

Nous espérons parfois vouloir faire croître d'autres bourgeons débarrassés de néons, d'écrans et qui nous appellent parents de toutes leurs forces. Une spirale de vie, ou bien un moment qui passe? Nous y plongeons avec délice, humant leur crâne innocent, faisant briller nos larmes retenues dans leur miroir lisse. Cela ne dure qu'un instant car nous devons nous lever pour remplir nos frigos et continuer à cliquer, abandonnant l'illusion de l'éternité sereine et apprenons que les plaisirs simples ne sont pas des cadeaux mais des options à gagner.

10 octobre 2015

Egrégore1

Dessin de Fredo. http://byfredo.deviantart.com/


J’ai jeté un jour mon dévolu sur trois plumes, il y en a des millions d’autres c’est vrai, et c’est donc un peu fou. C’était il y a des milliard d’années, je m’en souviens, c’était un samedi. La température extérieure paraissait parfaite pour envelopper mon cerveau et le reste de mon corps dans une gelée tiède de matrice sereine. Pixel après pixel mes yeux s’ouvraient. Il y a des rencontres qui se font mais celles-ci n’eurent pas lieu.

Il y eut donc un poisson qui tournait inlassablement dans l’eau tumultueuse de l’Internet, vif, brillant, l’appétit aiguisé, avalant ce que la lucarne offrait de meilleure. Il lui a offert une fantastique ode. Il s’est aventuré dans les contrées sombres aussi, se cherchant des mots toujours plus nus, tel un sorcier du verbe toujours réinventé.
S’est-il perdu ? Sans doute comme nous tous. Comme tous les gens ultra sensibles et voyants.

Le monde a créé l’ultra monde qui permet de livrer ses pensées intimes au monde dans un feedback vertigineux. Et nos ADN se recombinent sans cesse dans ce flux permanent de signaux.
Est-ce que le poisson voulait être pêché ?

Qu’est-ce que je cherche, qu’est-ce que j’y trouve à part toujours une part de moi-même ailleurs chez les autres?

Nous voulons remplir l’espace, nous voulons créer l’espace. Nos univers de boues, de mousses et de bitumes n’étant plus assez grands. Cécile modelait la terre comme une excroissance à ses mots. Elle y déposait ses prières païennes. Elle voulait faire vivre des golems qui auraient combattu pour elle. Elle se forgeait une carapace avec des armes déposées devant sa porte.
Je veux vivre les fenêtres ouvertes, les ponts levis baissés et c’est précisément ce que le virtuel me donne l’impression de pouvoir faire.

Ma nudité comme une offrande à ceux à qui je veux plaire, ou même au monde sans restriction, sans les risques ou les contraintes, pourvu que l’on m’aime là où je ne suis pas.
Parce que le virtuel n’est qu’un jeu de déplacement. Déplacement du réel par définition, mais aussi parce que les mots posés sont réfléchis, les images choisies, l’instant maîtrisé.

Je pensais y être ce que je voulais, mais j’ai fini par me rendre compte que je ne suis que ce que je peux. Face à mes limites, là inscrites sur une page perdue dans le temps, lancée au passé.

Certes je peux appuyer sur le bouton pour disparaître…

Mais avant d’en terminer il y a la Tyrane qui danse à la tombée de la nuit. Une déesse protéiforme, tantôt enfant solaire, tantôt sorcière lunaire qui pourrait à elle seule nous faire regretter que tout s’arrête.
Elle m’a demandé ma main un jour. Pour que j’écrive avec elle la suite d’une histoire magique en 88 nuits… Si j’avais eu un contrat je l’aurais bien mal honoré. Parce que je suis une sale gosse. Parce que je suis une sale gosse.

Alors moi et mes autres mois, continuons à jouer encore un peu, prenons, donnons.

J’en parle au passé, ils sont pourtant toujours là, je les regarde bien rangés à droite de ma page Facebook leur lumière verte apaisante comme un phare au milieu des autres amis et aimés, appréciés, les anciens, les nouveaux, ceux de chairs, la famille.

29 septembre 2015

Bilan

Ça va mieux. Je crois que c'est fini. J'ai attendu un peu avant de l'écrire. Quelques mois.

Certains palais engloutissant mes larmes dorment désormais au fond de l'eau. Rien n'émerge à la surface. Calmes et miroitants, des ronds formant rêveries et éveils lucides troublent normalement, justement et simplement, comme le ferait une respiration régulière. Mon entreprise disparue, mon fils s'est révélé être un petit bonhomme solide. Je sais que je ne devrais pas dire cela, et j'ai tout fait pour le protéger de ma dépression, mais il m'a toutefois apporté quelques mouchoirs...
Je pense que j'ai joué le plus difficile des rôles et qu'il n'y avait peut-être que les chiottes dans lesquelles je m'enfermais qui connaissaient mon vrai visage alors. Quelques murs également ont entendu ma rage et quelques nuits m'ont laissée sur le rivage.
Enfin peut-être est-ce cela être adulte : cacher le pire aux gens qu'on aime, qu'on estime.
Ce qui va me rester : un sentiment de gâchis. De ce monstre qui me rongeait, je n'en ai rien tiré, rien de productif, pas une image, ni dessin, ni écriture, même pas un meurtre. Les mois se sont juste accumulés et puis le lac est de nouveau lisse, prêt peut-être à raconter une nouvelle histoire.