01 juillet 2006

Poker menteur et bottes de cuir


Ce matin quand tu t’es levée tu t’es dit que la vie était aussi excitante qu’une partie de poker, et plus exactement de Texas Hold’em. Assise à une table de dix joueurs tu crois toujours que fatalement tu vas avoir le droit toi aussi à une bonne combinaison, soit parce que tu as coché toutes les cases devant la liste à faire soit parce que tu as rayé de la liste ce que tu ne devais plus faire, et puis aussi parce que tu es une brave fille et qu’il n’y a pas de raison. Pourquoi pas toi ?

Ce matin donc, tu crois que la chance va se concentrer grâce au pouvoir reconnu des cierges magiques que tu as allumés sur l’autel dédié à Pierre Soulages, Caravage et Jim Delarge. Tu as bouffé monochrome, le samedi c’est le vert, de la crème pistache avec du melon d’eau en passant par le dentifrice Colgate aux plantes. Tu as gagné à la première partie de Spider solitaire niveau difficile, le voisin gras a desserré sa ceinture en rentrant dans sa caisse. Bref les oracles étaient bons et les rituels accomplis.

Alors tu décoches ton demi sourire au donneur et tu joues les blinds. En face Lili-La-Tigresse, à gauche Thomas-The-Ripper, à ta droite Mat92. Que du beau monde, ça vaut le coup de rentrer dans la danse, tes jetons valsent au milieu de la table, la journée offre tout son potentiel, il fait bon. Une journée comme les autres sans tellement plus de pression, tu fais juste ce que tu as à faire, tu t’alignes sur les autres et tu bêles dans la Grande Bergerie. Tu attends tes cartes.

La journée à peine entamée tu te dis qu’il est temps de ressentir les rouages de la difficulté, il ne suffit pas de se lever le matin. Ouf tu récupères un deux de trèfle et un sept de pic. Voilà qui ressemble déjà plus à une journée normale, ton estomac digère mal, il broie du vert, transforme l’espoir en ramasse-miettes. La vie est aussi désolante qu’une mauvaise main à court de jetons. Et Lili renifle l’agneau à plein museau.

Bien, maintenant il s’agit de se battre, et dans la vie, au Poker ou dans la bergerie, c’est souvent une question d’ego. Un sursaut incontrôlable qui éradique toute raison.
Tu sais que tu devrais passer, qu’il y a des années que t’aurais du jeter l’éponge, mais au point où t’en es tu préfères t’écrouler crânement. Tu fais semblant de croire que les jetons sont remplaçables autant que les minutes qui se fracassent.

Tu relances, tu relances. Le Flop arrive et quel Flop, rien de bon pour ta pomme, le Tournant te donnes des aigreurs mais tu t’accroches. Tu relances jusqu’à la Rivière sans une parole, les dents serrées durant la traversée du désert. Tu écrases même sous les talons quelques craintifs plus raisonnables ou moins courageux ou avec moins d’ego. C’est beau comme il t’en faut peu pour te redonner espoir, une dernière carte se retourne ; tes grigri, tes cases cochées et une stupidité orgueilleuse t’offrent un deux de carreau. Tu sacrifierais père et mère pour cette misérable paire. Tu les as déjà sacrifiés aux sourires carnassiers de Tom et Lili. La journée va se terminer et chacun piaffe le bec ouvert.

Je suis transparente d’attente, de besoin, d’espoir et de désespoirs confondus. Nous allons tous retourner nos cartes et je ne veux pas savoir, je ne veux rien voir ni entendre… mais…

Je me lève, je me sens plus légère. Je tourne les talons, le jour décline et m’éloigne de la table. Je me suis battue, un zeste de fatigue, il s’agit de bien rouler des hanches à présent, je sens les regards, à l’occasion sur mon cul, je sers les fesses, je rentre le ventre et je redresse les épaules. Tous apprécieront le rythme maîtrisé de mes nouvelles bottes glissées sous mon jean fétiche qui claquent le marbre veiné. Ouais ça valait le coup, je crois entendre des applaudissements, demain j’irai à nouveau saisir ma chance dans la Grande Bergerie.

2 commentaires:

Tyrane a dit…

Bon sang, je l'attendais ce billet là ! Malgré la frustration (oui, oui, j'ai bien dit frustration !)dûe à tes longues périodes de "silence", le jeu en valait la chandelle ! Encore !!! Encore !!!

Unknown a dit…

Hé merci Tyrane c'est sympa ! Allez j'avoue : certaines touches de mon claviers m'envoient direct dans un trou temporel. Pas pratique pour écrire (hum hum)